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Représentations dynamiques des mathématiques :

 » quels outils pour faire, pour apprendre et pour enseigner les mathématiques ? » p 52

Algèbre dynamique, glisser-déposer par équivalence

La question du « même » est centrale en mathématique. Les gestes fondamentaux du mathématicien sont de considérer comme égaux des objets différents mais en relation (le quotient par équivalence), et de considérer comme différents deux copies du même objet. Un objectif majeur de l’enseignement en mathématique est l’apprentissage des relations d’équivalence permettant de définir les couples de représentations qu’il est légitime de considérer comme un même objet dans un cadre théorique donné et ceux qui doivent être considérés (parfois momentanément) comme différents. Cet apprentissage s’appuie sur l’identification des invariants associés à l’objet sous-jacent, « ce qui reste même quand tout change ».

En géométrie, les cas d’égalité du triangle, par exemple, définissent strictement ce qu’est un triangle. Les logiciels de géométrie permettent aux élèves d’explorer ce qu’est une figure donnée en manipulant ses paramètres contingents (comme l’axe de visualisation d’une figure tridimensionnelle) de manière à se forger une conception robuste de la manière dont réagit sa représentation quand on interagit avec elle.

Ces interactions passent, dans les logiciels actuels par la manipulation directe d’éléments graphiques réifiant métaphoriquement des objets mathématiques définissant la figure, comme des points, des angles, des longueurs ? Ces objets sont reliés entre eux par des co-variations fonctionnelles, induites par des conditions d’incidence, ou de métrique, si bien que la modi cation d’un objet induit en général la modi cation d’autres objets et la représentation de la figure. La compréhension de ces relations et l’identification des invariants de la figure ( « ces trois points sont toujours alignés » par exemple) est le but essentiel de la géométrie interactive, qui fait exister la figure, principe unificateur de toutes ses représentations, en tant qu’objet mathématique dans l’esprit de l’élève. Celui-ci joue dans le sens où il fait « l’exercice des possibles » (Jacques Henriot) de la figure. Le projet européen Inter2geo, visant à rapprocher les logiciels de géométrie dynamique en Europe, a permis de mettre en lumière les différentes conceptions des objets géométriques et de la place de l’utilisateur par rapport au savoir mis en médiation par les différents logiciels.

Ces subtilités sont également au cœur du calcul algébrique qui considère comme faisant référence au même objet mathématique des expressions diverses tant qu’elles sont transformées selon des règles précises respectant l’équivalence. Les objets visualisés et manipulés ne sont pas des objets géométriques mais des lettres, des symboles d’opérateurs, formant des expressions reliant ces objets selon une syntaxe bien précise dans un langage mathématique, un modèle sémantique, assignant un sens aux expressions bien formées, appelées nombres, fonctions, polynômes, équations… Des règles de modification élémentaires définissent une équivalence entre expressions, assimilées à un objet mathématique uni ant ces différentes représentations, comme « 11+1 », « 3 \times    4» , « 012,0 » font référence au douzième entier naturel dont la forme usuelle est « 12 » , qu’on appelle sa dénotation.

Ces règles et leur portée dépendent de la théorie en question et de son modèle sémantique, par exemple la somme de deux rationnels \frac{1}{2} + \frac{1}{2} sera un rationnel dans le cadre de l’apprentissage des fractions mais pourra être directement assimilé à un entier dans le cadre usuel, un réel à une fonction constante, un polynôme à une fonction… Bien que définissant des relations d’équivalence, ces règles de réécriture, par exemple le calcul arithmétique remplaçant une expression par l’évaluation canonique de ses termes, sont en général orientées.

Un système informatique manipulant des expressions algébriques dans un but pédagogique doit donc explicitement connaître le modèle sémantique approprié à l’utilisateur. Une expression algébrique bien formée est définie de manière récursive comme un élément atomique (lettre, chiffre, symbole comme \mathbb{R} ) ou un opérateur appliqué à des expressions algébriques. Les expressions que nous considérons sont relativement générales, des équations, des polynômes, des expressions logiques comme « x  =  3 » ou « x  =  5 » , ou encore des expressions ensemblistes comme ] \inf   , 2]  \cup   [4, 6]. Les objets sélectionnés pour le glisser-déposer sont des sous-expressions ou des opérateurs. On les fait ensuite glisser en bougeant le pointeur tout en gardant la sélection puis en les déposant entre ou sur des éléments de l’expression, en relâchant le pointeur.

Le geste physique a un but mathématique qui est d’obtenir une autre représentation de l’objet manipulé plus adaptée à un objectif poursuivi comme la résolution d’une équation. L’équivalence doit être justifiée par une règle que la transformation respecte et cette règle peut être implicite ou au contraire explicitée à l’utilisateur si l’apprentissage de la règle est un but visé par la manipulation. Le geste doit avoir un sens et être en lien avec sa justification.

Exemples simples de glisser-déposer par équivalence

Dans l’expression 2(x^3 + 3x^2 +4x), en sélectionnant x et en le déposant devant la parenthèse, on obtient 2x(x^2 + 3x +4) c’est-à-dire sa mise en facteur. De même, dans \sqrt{x} = 3 , la racine carrée, sélectionnée et déposée sur le 3 donne x = 3^2 . Chez l’enfant de 12 ans qui fait glisser 2 dans x + 2 = 8 pour le déposer à droite de 8 et obtenir x = 8  -   2 on souhaite généralement qu’il y ait une justification « on soustrait aux deux membres » , mais que ce ne soit plus le cas ensuite. Calcul en manipulation directe En agissant sur un opérateur, nous proposons de substituer cet opérateur et ses opérandes par leur forme canonique dans un contexte donné, c’est-à-dire par le résultat de l’application de l’opérateur. Ainsi, x = 2 + 3 devient x = 5 après une action sur l’opérateur somme, 3 + ¹⁰ est remplacé par 3 + ² par un 15 3 clic sur la barre de fraction et 3x² 5x² par 2x² en faisant opérer la soustraction. Dans 2x(x 5) , la distribution s’opérerait par action sur le symbole de multiplication qui est ici implicite, la dépose du x dans la parenthèse aura le même e et. Dans un système d’équations, la dépose d’une équation comme x = 2y 3 sur le signe = de l’équation 5x + 3y = 1 est à interpréter comme la substitution d’une expression à la variable x , résultant en 5(2y 3) + 3y = 1. Plus généralement, des règles de réécritures plus sophistiquées, maintenues dans l’espace de travail, peuvent être appliquées à une expression. Interprétation des gestes
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