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Michel Meyer au Collège de France
Trois grands moments marquent la rhétorique dès ses origines. Le moment platonicien qui insiste sur le rôle de l’auditoire (manipulation des esprits) ; le moment aristotélicien qui met l’accent sur le raisonnement et le langage ; le moment cicéronien qui fait partir l’usage rhétorique dans la crédibilité et la vertu de l’orateur, (souvent liée, pour les Romains, à sa place dans la hiérarchie sociale). Respectivement, ces trois dimensions ont défini à jamais le rôle du pathos, du logos et de l’ethos en rhétorique. Comment définir celle-ci aujourd’hui pour inclure tous ces points de vue ? C’est là le rôle (et l’attrait) d’une approche centrée sur les questions à affronter comme mesure de la distance entre les individus. La rhétorique a pour objet de la négocier. L’aspect unificateur du questionnement permet de structurer le pathos, le logos et l’ethos, c’est-à-dire autrui, le monde et le soi, au sein d’une conception qui intègre toutes les définitions de la rhétorique données par le passé.
Ethos, pathos logos.
p. 48 Comment faire confiance à autrui puisqu’il peut se dissimuler et me tromper ? […] comment le discours démarque l’essentiel de l’accessoire […] En tout cas c’est par le biais de ce dualisme que la figurativité va s’affirmer comme clé de voûte des passions, et, bientôt de la rhétorique [..] à côté d’un rhoscoulé dans le bronze des rôles sociaux et de la religion, on aura le logos qui finit par se figer en se ramenant de de plus en plus à des figures de style érudites, le pathos qui avait dominé la rhétorique, perdra ce rôle, quand les passions seront assimilées à des intérêts rationnels (Adam Smith et la naissance de l’homo économicus) ou acceptable.
Les mathématiques sont argumentations, argumentations spécifiques, mais argumentation tout de même. Il me faudra définir la spécificité de l’argumentation en mathématiques. Pour l’instant, nous allons examiner comment on se fait l’argumentation en mathématiques.
La plupart de l’activité mathématique ce fait à propos de problèmes pour lesquels il y a un énoncé et une réponse à fournir. De plus cette réponse doit être convaincante, Elle finit par atteindre un point où est venu plus discutable. C’est-à-dire Il n’y a plus rien que l’on puisse opposer.
https ://www.lesbonsprofs.com/philosophie/la-demonstration-partie-1-2085 (ci-dessous) 2 enregistrements dans Socrates. Démonstration 1 et 2
La démonstration a deux sens. Un sens général d’abord : tout type de preuve. C’est le sens retrouvé couramment : par exemple, en justice, on va chercher à démontrer la culpabilité ou l’innocence de quelqu’un. Ensuite, elle a aussi un sens strict, mathématique : une opération intellectuelle qui vise à établir la vérité d’une proposition en la déduisant de prémisses tenues pour vraies. Les prémisses sont les propositions qui permettront de démontrer. Un axiome est une proposition tenue pour vraie sans être démontrée. C’est un point de départ pour la démonstration. Exemple : « Le tout est plus grand que la partie ». Le postulat est une proposition que l’on tient pour vraie sans être démontrée mais en supposant que la démonstration est possible. Exemple : le postulat d’Euclide, « par un point extérieur à une droite d, il ne peut passer qu’une droite parallèle à la droite d. » On verra que ce postulat a posé un problème aux mathématiciens. Enfin, un théorème est une proposition démontrée. Exemple : le théorème de Pythagore, « dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés ».
I. Un idéal de la connaissance
La démonstration mathématique semble constituer un idéal pour la connaissance. Tout d’abord, cette démonstration est rigoureusement objective. Quand je fais une démonstration mathématique, je ne fais appel qu’à la raison, non pas aux sentiments de celui qui est en train de démontrer. C’est pourquoi beaucoup, et aussi parmi les philosophes, y ont vu un modèle à appliquer à toutes les sciences. C’est le cas de Descartes par exemple, et c’est probablement l’opinion commune au
S’il y a bien un problème en démonstration, c’est celui du statut des axiomes, qui ne sont par définition pas démontrés, ni démontrables. Comment savoir s’il est vrai ? Pascal, dans son texte De l’esprit géométrique, compare deux méthodes. Il compare une méthode qui serait absolument parfaite à la méthode de la démonstration moins parfaite. Une méthode parfaite en sciences serait une méthode où je vais absolument tout démontrer et tout définir. Or, cette méthode est impossible puisqu’on ne peut jamais tout démontrer et tout définir. Il y aurait régression à l’infini. On est donc obligé de se contenter de la méthode géométrique, dans laquelle on ne va pas tout démontrer et pas tout définir. A propos de la méthode géométrique, Pascal dit que la démonstration mathématique est moins convaincante que la méthode parfaite, mais inatteignable, mais elle n’en est pas moins certaine. Elle est moins convaincante car je pars d’axiomes qui ne sont pas démontrés donc la démonstration n’est pas intégralement fondée rationnellement. Cependant, elle n’en est pas moins certaine, car les axiomes que je ne peux pas démontrer, je peux les connaître avec certitude, non pas par la raison, mais par ce que Pascal appelle la « lumière naturelle ». C’est-à-dire le cœur, ce qui renvoie à la célèbre citation de Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». Pour Pascal, le cœur à ses vérités, les axiomes, que je peux connaître absolument et certainement par la lumière naturelle. La méthode géométrique est donc tout aussi certaine que la méthode absolument parfaite. On arrive donc à la vérité absolue, la vérité apodictique, c’est-à-dire absolument certaine.
II. Limites internes
Cependant, l’acceptation de la vérité d’un axiome repose sur son évidence. Seulement, l’évidence comme critère de vérité est-elle suffisante pour fonder une science comme les mathématiques ? L’évidence est d’abord un ressenti : n’est-ce donc pas trop subjectif,indéterminé ? Il existe en effet de fausses évidences. Leibniz, philosophe du
Ensuite, une seconde critique interne vient des géométries non euclidiennes. Le postulat d’Euclide (vu plus haut) est présentée comme un axiome mais les mathématiciens ont toujours eu l’intuition que c’était un postulat, c’est-à-dire que l’on doit pouvoir le démontrer. Ils ont essayé pendant des siècles, sans jamais y arriver. Au
III. Limites externes (Kant)
Dans cette partie, la question est la suivante : peut-on exporter la démonstration, comme veut le faire Descartes, en dehors des mathématiques ? Ici, on étudie la critique de Kant. Un jugement est une proposition qui met en rapport un sujet et un prédicat, c’est-à-dire un complément du sujet. Exemple : « Socrate est mortel », Socrate est le sujet, le prédicat est mortel. Kant fait, à partir de cela, la distinction entre deux types de jugements. Il y a les jugements analytiques, c’est-à-dire un jugement pour lequel il suffit d’analyser la définition du sujet pour trouver le prédicat : « le célibataire est non marié », être non marié appartient à la définition du célibat. Ces jugements, dit Kant, ne nous apprennent absolument rien, et sont absolument certains, puisque vrais par définition. Ensuite, les jugements synthétiques sont des jugements pour lesquels il ne suffit pas d’analyser le sujet pour trouver le prédicat. Ce sont des jugements pour lesquels le prédicat n’est pas contenu dans la définition du sujet : « la table est ronde », car le fait d’être rond n’appartient pas à la définition de la table, qui peut-être carrée ou rectangulaire. Donc, à la différence des jugements analytiques, les jugements synthétiques nous apprennent quelque chose, mais ne sont jamais absolument certains, sauf en mathématiques.
En effet, en mathématiques, les jugements sont synthétiques. Dans le théorème de Pythagore, le prédicat n’est pas contenu, selon Kant, dans le sujet. Pourtant, ils sont absolument certains, car la relation entre le sujet et le prédicat est fondée uniquement sur la raison. C’est un raisonnement. Le troisième terme qui met en relation le sujet et le prédicat ne s’appuie pas du tout sur l’observation. Ce sont donc des jugements synthétiques a priori selon Kant, et c’est pour cela qu’ils sont absolument certains.
Les jugements synthétiques qui ne se fondent pas uniquement sur la raison comme en mathématiques sont fondés sur l’observation. Ces jugements ne sont donc pas aussi certains que les jugements synthétiques a priori selon Kant, car si ces jugements synthétiques a priori renseignent sur comment les choses sont, ils ne renseignent pas sur le fait que les choses ne pourraient pas être autrement. « Le soleil se lève tous les jours » est un jugement synthétique a posteriori fondé sur l’expérience, mais la série d’observations sur laquelle ce jugement est fondée peut m’induire en erreur. Ce n’est pas forcément parce que le soleil se lève chaque matin depuis ma naissance qu’il se lèvera demain. On sait aussi qu’il existe des pays où le soleil ne se lève pas tous les jours. Dans le cas de la justice, démontrer que untel est coupable est fondé sur l’expérience : témoignages, preuves. Or, pour Kant, l’expérience ne montre jamais que je suis dans la certitude absolue. Si des aveux sont une preuve contre un individu, est-ce suffisant pour le reconnaître coupable ? Non, car cet individu peut s’accuser lui-même pour protéger quelqu’un d’autre.
Montaigne : « La raison ne nous fait pas davantage aboutir à un résultat définitif. Chaque motif allégué à l’appui d’une opinion, a besoin lui-même d’un motif, et nous pouvons ainsi reculer continuellement jusqu’à l’infini. »